Allo?

"Tatau"
acrylique sur toile
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J'ai un sentiment dont je me garderai bien mais trop tenace pour ne pas essayer de le développer.

J'ai remarqué depuis que j'essaie de communiquer autour de ma peinture, que l'écriture me permettait de mieux appréhender mon propre élan. L'écriture nous oblige à de la rigueur et à un peu de ménage dans les méninges (oui, elle était facile celle-là).

C'est très compliqué de rester clair quand l'esprit ne l'est pas assez. Quand on peint, il y a un million d'idées fugaces et volatiles qui traversent le crâne, et qui posent les bombes de la créativité. Le résultat n'est pas loin d'un champs de bataille parfois...
"La peinture est là, devant moi et achevée.  Les obus de pigments jonchent le sol, les baillonettes tordues et trempées n'arrivent plus à tuer, elles meurent dans les sanglots... de... de... Wolfmother!" (un peu de lyrisme à deux balles, et le lien pour un groupe que j'aime :)
J'admets beaucoup de frustrations dans ma peinture mais essayer de les illustrer et de les présenter au monde me permet de répondre "fuck" à ces frustrations (un peu obscure et vulgaire comme explication...).

Cette partie de mon propos est plus engagée et je ne vais pas me faire que des amis...

En tant que Polynésien, j'ai beaucoup de mal à me faire à l'idée de peindre autre chose que la Polynésie. Cela peut sembler soit réducteur soit prétentieux de ma part dans les deux cas je peux regretter d'écrire ce qui suit.

La premier constat que je tire de la pratique de la peinture c'est que des questions apparemment sans importance, germent à l'esprit pendant que l'on peint. Ces questions engendrent d'autres questions qui engendreront encore et encore des questions. Je pense que l'important n'est pas vraiment les réponses mais au moins de se les poser!

Je me demande toujours quelle place je veux prendre dans la société Polynésienne. Vais-je revenir? Ma femme voudra-t-elle s'y installer? Mais pourquoi suis-je parti au juste? Qu'est ce que j'y gagne à vivre en France? Mais de toute façon j'y ferai quoi à Tahiti? Jardinier comme avant? Instituteur?

Je n'ai pas beaucoup de réponse mais l'envie de faire de la peinture un poil subversive qui je l'espère agacera.

"Tu veux faire quoi comme peinture? Du Gauguin, du Ravello?
 -Il sont morts.
-Tu aimes bien Bousquet, Gotz ou Morillot pourquoi pas faire un truc du genre?
-Ben justement il ont trouvé leur style et sont suffisamment connus pour que j'éveille des soupçons de plagiat.
-La nouvelle génération de créatifs à Tahiti ils ont l'air bien eux, non?
-Oui mais il ne communiquent rien, je ne sais pas ce qu'ils veulent dire par leur art. J'aimerai bien comprendre mais y a rien sur le net, il faut être "friends" pour pouvoir voir leur travail!
-Tatoueur? Ouaiiiiis mais c'est sur la peau d'un autre, et si je foire?
-Bon... Tu vas faire quoi alors?
-ben... je sais pas trop mais là, j'ai envie d'écrire..."

...en peinture il faut faire du vieux avec du neuf, du neuf avec du vieux. Ne pas faire de la peinture convenue et caresser à rebrousse poil l'empathie que provoque le mot "Tahiti". Il faut aller au delà, ne pas se contenter de faire de l'art Polynésien mais FAIRE l'art Polynésien.

L'art est la langue pour dire "fuck" aux frustrations avec élégance.

"Rien, que ça? Tu te trouves pas un peu mégalo?
- Ah ouais? Ça fait mégalo?
-Ouais un peu man!
-Ah... euh... ça fait aussi un peu fou là de m'écrire et de me parler à moi-même, non?
-...
- Allo? Allo?! ...
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2 commentaires:

Caro a dit…

La peinture comme thérapie??? je ne te savais pas aussi prolixe, c'est délirant ;) mais je comprends...serais-tu en cours de mutation???

Pour ma part j'aime ta peinture, ça ne le change pas stp!!!
Maintenant ici ou Tahiti...est-ce que cela t'empêche réellement de faire la peinture que tu aimes et de parler du Fenua?
Perso, je pense "qu'arraché" à ses racines on produit quelques choses de plus violent peut être plus engagé peut être aussi du fait de la distance ou du manque, c'est peut être pour ça que tu ne comprends pas les créatifs modernes polynésiens (pour reprendre ton propos)?
Bon je te laisse méditer là dessus, on pourrait en parler ou en écrire des pages et des heures ;)
Bisous de Caro

Vaianu H. a dit…

Caro,

ce qui me motive c'est le fantasme, être loin du triangle et habiter en hexagone me fait fantasmer... J'en suis parti pour de mauvaises raisons et c'est peut-être parce que je m'en veux que j'essaie de l'expliquer.
Le mot "thérapie" fait peur mais oui, la peinture est une thérapie.

Ce que j'aime quand je découvre le travail de quelqu'un c'est d'entrer dans son intimité. L'accroche est ce qu'il peint (ou dessine, compose, sculpte etc...) si ça me plaît je vais tout faire pour en savoir plus. La forme découle souvent du fond, si l'artiste ne se livre pas un peu il n'y a que sur la forme que l'on peut juger. C'est ce que je reproche à nos artistes maohi, ils ne communiquent pas assez.

La dernière fois (et cela quasiment à chaque fois), j'essayais d'en savoir plus sur quelqu'un et c'est bien sûr sur des articles payants que je tombais. Les artistes en place à Tahiti depuis des années communiquent beaucoup plus par internet que la nouvelle vague. Un comble pour pour des surfers connectés! Même Gauguin s'est saisit du média internet...

Ce que je veux, c'est d'arrêter d'interpréter la forme pour en savoir plus sur le fond. Ne pas pouvoir dissocier l'artiste de l'oeuvre qu'il créer est peut être un mauvais moyen d'aborder l'art et le meilleur moyen de ne pas rendre ses oeuvres autonomes mais pour ma part c'est ce qui me plaît parce qu'elle est LÀ la prise de risque.

J'ai beaucoup d'empathie pour quelqu'un qui essaye et qui se plante et presque de l'indifférence pour celui qui n'essaie pas du tout...

La bise Caro et merci pour ton petit mot.

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