Honu


"Honu"
acrylique sur toile
73X90


V. une amie, m'appelait il y a 3 jours pour me demander si j'avais toujours une des toiles que j'avais exposé il y a (déjà!) 2 ans. Elle voulait me l'acheter pour l'offrir.

J'étais très touché qu'elle ait pensé à un de mes tableaux mais obligé de lui annoncer que je l'avais déjà donné à un ami.

Comme pratiquement pour toutes mes peintures la première version de "Honu" avait vite fini par ne plus me plaire. Je montrais à un ami ce tableau. Il lui avait fait tant d'effet que je le lisais sur son visage, il n'en fallait pas plus pour flatter mon ego et me débarrasser de l'encombrante oeuvre en la lui offrant. Elle est placé aujourd'hui dans son salon -ce qui n'est pas fait pour me déplaire- et j'ai donc souvent l'occasion de la voir.

"Honu"
acrylique sur carton
110X90
Ce qui me dérange le plus dans ce tableau est la lecture que je proposais, son sens.

Il y a quelques années je faisais beaucoup de Kayak sur le lagon de Taapuna. Un jour je repêchais le corps intacte mais sans vie d'une tortue marine qui dérivait à la surface de l'eau. Je ne comprenais pas ce qui lui était arrivé. Après l'avoir retourné dans tous les sens je remarquais un point au niveau de sa tempe, je comprenais de suite ce qui s'était passé. Un chasseur sous marin avait essayé de la harponner, elle avait pu s'enfuir mais mourrait sans doute quelques minutes, quelques heures plus tard  à cause de ce minuscule point à peine visible mais fatal.
J'étais envahi par la tristesse, la colère, l'incompréhension. Un mec avait blessé mortellement cette animal protégé, si rare, si beau, inoffensif, pour... rien.
Je ne trouvais rien d'autre à faire que de la lester en  la gorgeant d'eau et la poussais vers le fond. Je restais sur mon kayak et la regardais tomber lentement vers ce bleu froid, ce bleu profond, je la voyais entrer dans la mort.

Personne ne voyait de la mort dans ce tableau et pourtant c'était ce que je peignais.

Quand V. me demandait la disponibilité du tableau j'y voyais l'occasion de refaire une oeuvre moins négative, ou moins sombre. Je voulais cette fois-ci montrer une tortue bien vivante!

Je n'ai eu que 2 jours pour la faire et pendant 2 jours je redonnais vie à l'idée de cette tortue morte...

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6 commentaires:

Mitaine et Dentelle a dit…

Je ne comprendrai jamais la folie humaine de vouloir tuer des animaux sans raison, quelle absurdité...

Il n'est pas facile de peindre nos émotions et encore plus de le faire ressentir car personne ne voit de la même façon et personne ne ressent de la même façon.
Ce que moi j'y vois, c'est une tortue qui semble dans le monde des esprits... pas loin de ce que tu voulais peindre finalement!
Elle est vraiment magnifique. J'aime la façon dont tu l'a peinte.

Phil Meyer a dit…

Peindre avec ses émotions est certainement l'exercice le plus compliqué de notre art. Je suis de votre avis, cher Vaianu, je ne souhaite pas comprendre non plus.

Je dois admettre que ma préférence va à la première variation de votre oeuvre. La tristesse, le sentiment de mort et de profondeur est pleinement perceptible avec cette peinture. Je la trouve même bien plus puissante que la seconde interprétation.

Cependant, cette deuxième oeuvre semble utiliser le vocabulaire esthétique que vous présentez: il y a une continuité dans vos oeuvre, avec cette soif de vie exacerbée. Cette seconde tortue est à l'image de la colombe, une acceptation de ce qui est arrivée, une oeuvre lyrique à l'hommage de cet animal et peut être un élan de paix intérieur.

Vaianu H. a dit…

Je crois qu'il l'avait fléché pour la manger; à Tahiti et plus généralement en Polynésie on apprécie la chair de tortue.
C'est un trafic qui rapporte gros et les temps sont durs en ce moment pour notre économie et donc les Polynésiens, c'est une pratique qui ne fera qu'augmenter... Mais je ne VEUX PAS comprendre, je ne préfère pas comprendre.

J'étais vraiment marqué par cette expérience et ce tableau était peut-être ma façon de lui rendre ... hommage?

:)

Vaianu H. a dit…

Phil,

je suis tout à fait d'accord avec vous, très objectivement la première version est plus forte, mais je crois que quand quelqu'un traite de la mort (peu importe le domaine d'expression) l'interlocuteur prend tout seul le relais de l'intention de l'auteur.
La mort est sans aucun doute ce qui nous unit. Nous pouvons avoir des vies différentes, des expériences différentes mais nous comprenons tous et sans avoir besoin de faire preuve de relativisme culturel (voir biologique?) que nous "vivrons" la même mort que cet animal. C'est la mort, cette inconnue universelle et quotidienne qui rend cette oeuvre plus intrigante, je crois...

Pour terminer plus légèrement,
le vocabulaire esthétique vers lequel je m'oriente est dû à une erreur. J'avais décidé de repeindre mon appartement et après un calcul foireux j'achetais deux touques de peinture blanche, alors qu'une seule suffisait laaaaargement. Je me retrouvais donc avec beaucoup de blanc. À force d'en utiliser pour des "corrections" j'appréciais de plus en plus la liberté qu'elle m'apportait.

Je vous remercie de votre attention, votre commentaire m'aide beaucoup. Répondre et mettre des mots sur des idées fugaces me permet d'affirmer certains aspects de la peinture que je souhaite proposer.

à bientôt

PS: J'ai un collègue de travail qui porte le même patronyme que vous...

Phil Meyer a dit…

Réponse au PS,

Et bien c'est mon frère ... Et c'est lui qui m'a donné le lien de votre site. Que je suis régulièrement maintenant. Votre peinture "naïve" (loin de là, mais c'est un avis personnel), vos textes m'aident et me font réfléchir (aussi) à mes créations (peintures et surtout sculptures).

Je ne suis actuellement pas en France, mais j'aimerai beaucoup, à mon retour, courant juin, avoir un brin de conversation autour de nos oeuvres respectives (si je peux transporter les miennes ... le bois c'est lourd! et l'avion, c'est cher!) accompagné de véritables cafés (et non du jus de chaussettes).

Vaianu H. a dit…

Alors courant juin je vous propose jus de chaussette ou bon café (j'ai les deux)! Je passerai à ton frère mes coordonnées. À plus donc!

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