Médusé


Mortelles Méduses
acrylique sur toile
80X60

Depuis l'arrivée de ma fille toute l'anxiété qui me poussait à peindre s'estompe. Un enfant bouleverse une vie, les priorités et le temps deviennent des notions toutes relatives.

On passe beaucoup de temps à ne rien faire ensemble Livia et moi; je suis père avant d'être peintre.
Quand je me retrouve seul avec ce petit être vulnérable je ne peux m'empêcher de penser à mes parents qui ont dû se trouver dans le même désarroi que moi, il y a presque 30 ans, quand comme ma fille j'avais du chagrin.

Je me souviens d'un jour, ma mère et moi étions encore à Raiatea. Nous devions être dans le magasin le plus miteux de la capitale et mon coeur chavirait pour une petite voiture astucieusement exposée par le commerçant à ma hauteur de petit d'homme. Je m'en saisissais en espérant que ma mère me l'achète, son refus était comme une fin du monde et la tristesse la plus infantile, la plus profonde, la plus pure me prenait le ventre.
C'est en larme que je la suppliais alors qu'elle s'éloignait de ce qui devait être à moi. Pour en finir ma mère me posait une question: "Tu ne veux pas plutôt la lune et les étoiles?"


 J'étais en mesure de comprendre qu'un astre était quelque chose de bien plus précieux qu'un banal jouet, c'est la lune que je voulais.

La seule condition pour qu'elle puisse me l'offrir était qu'on puisse la voir. Il fallait rentrer à la maison et attendre la nuit juste avant le dodo pour que maman me décroche la lune.
Les 28 km de soupe de corail parsemés de nids de poule grands comme des cratères, qui longeaient la cote sauvage et sombre qui nous ramenaient chez nous, avaient réussi à me faire oublier la lune, mon jouet et ma mère avait réussi son coup.

En peinture, j'ai beaucoup de mal à faire des choix de composition ou de sujet. J'ai souvent un tas de choses en tête que j'aimerais exprimer sur la même toile. Plutôt que de faire un choix j'essaie d'amalgamer le tout.

Je lisais dernièrement que des chercheurs voulaient comprendre comment la turritopsis nutricula, une minuscule méduse était capable de rajeunir, de ne plus vieillir et donc d'être théoriquement immortelle. Ils voulaient bien entendu en faire profiter à terme l'humanité.

L'idée d'une humanité immortelle me donnait un frisson. La mort nous intrigue, mais donne du sens à vivre.  Que deviendraient nos souvenirs, nos ancêtres? Vivrions-nous une Histoire du présent? La douceur d'un souvenir ne peut être éternelle.






 

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